L’alternance codique (de l'anglais code switching)

Par Famworld
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01/06/23
L’alternance codique (de l'anglais code switching)

Le code switching désigne l’alternance entre plusieurs codes linguistiques (langues, dialectes ou registres de langue) au sein d’un même et unique discours ou énoncé, voire au sein d’une phrase, le plus souvent là où les syntaxes des deux codes s'alignent (Codique DGCP). On parle d’alternance codique seulement lorsqu’il est produit par des multilingues parlant couramment leurs langues. 

Sinon il s’agit d’un emprunt lexical, qui lui ne marque pas la réelle volonté de changement, mais plutôt un manque de compétence dans la langue ou une insuffisance de la langue elle-même, et qui est considéré comme appartenant à la langue qui l'a « emprunté ». Dans d’autres cas plus rares, l’alternance devient systématique et crée une langue mixte, comme le métchif, ou alors supplante la langue officielle, comme le taglish (en) (tagalog et anglais) ou le portuñol (portugais et espagnol).

On pense souvent que l'alternance codique chez les bilingues (et multilingues) est le résultat d’une mauvaise maîtrise langagière de leur part ou d'une confusion, d'une incapacité à s'exprimer dans une langue à la fois. Or, il s'agit d'un choix (souvent inconscient) et d'un processus discursif intentionnel et signifiant, comme le démontrent de nombreuses disciplines qui se sont questionnées sur les motivations derrière l'alternance codique. Une étude américaine (2015) s'est attachée à rassembler et à résumer les facteurs relevés par ces différentes disciplines : elles les confrontent dans une expérience pour déceler quels facteurs ont la plus grande influence sur le code-switching :

  1. L’approche socioculturelle avance un facteur contextuel : l’alternance codique peut servir à construire une identité, à s’associer à un groupe ou à une communauté ou pour faire référence à des valeurs communes. Ainsi le type de participants présents lors d’une conversation peut influencer sur le recours à l’alternance codique qui, dans ce cas, découle d’un choix fait par le locuteur.

  1. L’approche psycholinguistique voit l’alternance codique comme un phénomène automatique où le mot est exprimé dans la langue qui vient en premier à l’esprit du locuteur. Ceci peut être motivé par trois facteurs :

L’accessibilité du mot : c’est-à-dire qu’un mot court ou bien fréquemment utilisé sera préféré, même s’il demande un changement de langue. Par exemple, si un locuteur parle en français, mais que l’équivalent d’un mot français est plus court/plus fréquent en anglais, il est possible qu’il fasse une alternance codique pour exprimer ce mot en anglais plutôt qu’en français. Le plus souvent, ce sont des noms (et des verbes).

Le contexte lexical : un “mot-déclencheur” (p.ex. les noms propres, les homophones bilingues, etc…) peut provoquer, à sa suite, le passage (plus ou moins long) à une autre langue et donc entraîner l’alternance codique. Aussi, la cohésion lexicale joue un rôle : si, par exemple, un mot a été prononcé en anglais dans une conversation en français, il aura tendance, lors des prochaines occurrences, à être à nouveau exprimé en anglais. Enfin, l’alternance codique a moins de chances de se produire dans des expressions, c’est-à-dire dans les cas où un groupe de mots d’une langue sont intrinsèquement liés.

Le contexte syntaxique : le plus souvent, l’alternance codique se produit entre unités syntaxiques et non pas au sein d’eux. Toutefois, plus la distance entre le premier et le dernier mot d’une unité syntaxique est grande, plus cette unité devient susceptible de subir un code-switch en son sein.

Frimer ou revendiquer : les limites du code switching

Le code switching est également un phénomène social. Il permet de montrer qu’on maîtrise plusieurs langues et d’obtenir ainsi une plus grande considération de la part des autres. Dans le milieu professionnel, ça peut aussi faire son effet. Une chef d’entreprise allemande par exemple peut tout à fait délibérément ponctuer son discours de termes anglais afin de distiller l’idée qu’elle est tournée vers l’international et qu’elle a déjà roulé sa bosse un peu partout dans le monde.

Enfin, le code switching sert parfois à exprimer sa solidarité avec un groupe. On peut ainsi mélanger une langue minoritaire avec la langue officielle afin de signifier son appartenance à une région (alors qu’on préfèrera justement mettre de côté son dialecte au travail afin de mieux s’intégrer).

Vivre l’alternance !

« Pourquoi est-ce que tu parles anglais tout le temps, « Ton niveau en allemand n’est pas assez bon? », « Réfléchis deux secondes, tu finiras bien par trouver le mot juste ! »… Voilà le genre de critiques auxquelles sont exposés ceux qui pratiquent le code switching. Effectivement, s’efforcer de garder une certaine cohérence dans la langue dans laquelle on s’exprime, de parler correctement afin d’apprendre, de montrer qu’on est capable de faire la différence entre deux langues, sont autant de preuves d’exigence. 

On est même persuadés que le code switching implique souvent une pointe de paresse, voir un léger laxisme. Trouver l’expression juste ou choisir la forme grammaticale correcte demande parfois un effort accru. On peut alors avoir le réflexe de switcher au beau milieu d’une phrase, ce qui revient à choisir la facilité plutôt que la difficulté. Mais au fond, est-ce si grave?

Utiliser une langue que l’interlocuteur ne pourrait pas comprendre n’a évidemment aucun sens, sinon celui de l’exclure. Cependant, la plupart des polyglottes ressentent le besoin d’avoir recours à plusieurs langues à la fois. C’est un des effets secondaires du multilinguisme et fait même partie de l’identité de ces personnes. Alors mach weiter, continuons à faire du code-switching !

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